FICHE PRATIQUES INNOVANTES : Détruire les couverts sans labour ni glyphosate

Les débats sur le glyphosate ont accéléré les questionnements quant à la dépendance des systèmes sans labour voire sans travail du sol à cette molécule. Toutefois plusieurs agriculteurs pratiquant l’agriculture de conservation des sols ont cherché à réduire leur consommation liée à la destruction de leurs couverts.
Ces techniques alternatives au broyage et/ou labour ont en commun de constituer chacune un moyen de destruction avec une efficacité pouvant n’être que partielle. En effet, même si elles ont des performances différentes, la plupart des agriculteurs interrogés (sauf ceux en agriculture biologique) continuent d’avoir recours au glyphosate certaines années ou dans certains cas. Les agriculteurs rencontrés distinguent souvent deux étapes dans la destruction de leurs couverts : la destruction des parties aériennes et celle des repousses de céréales ou d’adventices, du pivots ou du plateau de tallage

Détruire les parties aériennes des couverts en les valorisant

La destruction des parties aériennes du couvert sans labour ni glyphosate pose en général peu de problèmes. Néanmoins, le broyage, technique la plus utilisée pour détruire des couverts développés, est un frein pour certains agriculteurs qui y voient une intervention supplémentaire parfois longue et coûteuse. Lors de cette traque aux innovations, des agriculteurs, ayant des pratiques innovantes permettant la valorisation et la destruction des parties aériennes, ont été rencontrés.
Récolter son couvert est un bon moyen de maîtriser les parties aériennes en les valorisant. Pour illustrer ces pratiques, deux types de valorisation des couverts sont développés : l’un pour l’alimentation de ses vaches allaitantes et de ses brebis, l’autre pour la méthanisation. Le second récoltait les couverts d’une manière assez originale puisqu’il n’avait pas recours à une ensileuse mais à un broyeur-andaineur suivi d’un passage d’autochargeuse.

Broyeur-andaineur dans un couvert dédié à la méthanisation

Figure 1: Broyeur-andaineur dans un couvert dédié à la méthanisation

Récolter son couvert est une manière de le valoriser mais l’exportation des parties aériennes peut influencer les services écosystémiques rendus par le couvert du fait de l’export da la matière organique et des éléments minéraux qu’elle contient.

Brebis dans un couvert

Figure 2: Brebis dans un couvert

Parmis les agriculteurs identifiés, quatre valorisaient leurs couverts par une méthode qui n’exporte pas les parties aériennes mais les transforme : le pâturage. Deux sont éleveurs ovins et faisaient pâturer leurs couverts et les deux autres n’ont pas d’élevage mais implantaient leurs couverts pour les faire pâturer par les brebis d’un éleveur voisin. Selon ces deux agriculteurs, ce partenariat est gagnant-gagnant puisque l’action des moutons est semblable à « un broyeur à l’avant et un épandeur à l’arrière ». Un agriculteur pense aussi que « les restes de couverts piétinés par les moutons forment un paillage qui réduit les levées d’adventices dans l’hiver ». En contrepartie de la mise à disposition de la parcelle l’éleveur fournit des semences de couvert. Selon l’éleveur rencontré, un sol moins remué et une présence plus importante de paille en surface permet de limiter les problèmes de boitterie. Pour lui, mettre ses brebis en lutte dans les couverts améliore leur prolificité. Les bénéfices pour les animaux ont été récemment bien documentés (valeur alimentaire importante, pression parasitaire très faible) :



Les bénéfices pour les cultures sont quant à eux bien moins connus : Synthèse bibliographique sur l’effet du pâturage des couverts sur la culture suivante

Détruire les repousses, plateaux de tallage et collets

La destruction des racines, collets et plateaux de tallage des végétaux du couvert et des adventices présentent dans le couvert, posent souvent problème s’il n’y a ni labour ni glyphosate car le risque de repousses est important. Un premier levier consiste à choisir des espèces à croissance définie (moutarde blanche, féverole, tournesol, niger, moutarde d’Abyssinie …) qui une fois la montaison ammorcée produisent diffcilement de nouvelles tiges. Même si le choix d’espèce permet de limiter le risque de repiquage, les repousses de céréales et les adventices sont généralement mal détruites lors du broyage/récolte voire même de la destruction mécanique.
Certains agriculteurs parviennent toutefois à limiter le risque de repiquage ou de repousse de la végétation même si le résultat n’est pas totalement satisfaisant tous les ans ou sur toutes les parcelles.
Deux cas de figures ont été extraits des entretiens réalisés : les agriculteurs qui y parviennent ont innové soit sur l’usage de leur matériel, soit sur le matériel qu’ils utilisent.

Innovation sur l’usage du matériel

L’innovation sur l’usage de leur matériel a été réalisée avec des déchaumeurs à disques indépendants pour la plupart :

Règles de décision et ressentis des agriculteurs quant à l'intervention mécanique sur le gel

Figure 3: Règles de décision et ressentis des agriculteurs quant à l’intervention mécanique sur le gel

Matériel utilisé pour la destruction sur le gel

Figure 4: Matériel utilisé pour la destruction sur le gel

Les agriculteurs interrogés ont choisi de se tenir à une règle de décision pour l’intervention de déchaumage de la parcelle couverte. Ils choisissent soit une intervention sur sol réssuyé soit sur sol gelé. Même si on s’accorde sur le fait que cette technique ne soit pas inédite, leurs retours d’expérience nous donne des informations sur la pertinence de la technique selon les années. De plus le couplage à une étude des fréquences de gel permet de replacer ces exploitations dans le contexte régional et de réflechir à leur déploiement dans d’autres contextes géographiques.

Innovation par le matériel choisi

L’innovation sur le matériel utilisé concerne trois agriculteurs enquêtés. Deux d’entre eux ont recours à des cultivateurs équipés de pattes d’oie à fort recouvrement. Le premier utilise un cultivateur Kockerling trio équipé de socs co-conçus et réalisées avec un constructeur pour réaliser un travail de scalpage à 5 cm de profondeur dans le but de gérer les couverts et les adventices en interculture :

Dents pattes d'oie modifiées (02)

Figure 5: Dents pattes d’oie modifiées (02)

Selon lui, un recouvrement élevé est primordial pour une bonne efficacité de l’outil. Ainsi, son outil est équipé de socs de 40 cm de large pour un écartement entre dents de 29 cm (11 cm de recouvrement). Un fort dégagement est préconisé (ici 3 rangées de dents) pour éviter les bourrages avec les végétaux. Sur ce même principe, un agriculteur bio utilise un chisel Morris pour scalper la surface du sol. Cet outil est équipé de socs de 51 cm de large. Pour 30 d’espacement entre dents. Il est équipé de la barre desherbeuse Morris. Elle permet de mettre en surface tous les morceaux de plante via sa rotation dans le sens inverse de l’avancement de l’outil. Le coût très faible de ce matériel a également orienté son choix (10 000€ pour un chisel de 7 mètres).

Barre desherbeuse Morris (10)

Figure 6: Barre desherbeuse Morris (10)

Un autre agricultur bio, en bretagne, fait lui le choix d’un matériel peu répandu pour détruire les couverts et leurs parties superficielles dans le sol : un cultivateur rotatif à entrainement mécanique « Dyna drive ». L’outil est équipé de deux axes horizontaux recouverts de dents qui travaillent le sol comme une petite bêche. Le premier rouleau, plus gros que le second, l’entraine avec une chaîne pour le faire tourner à plus grande vitesse. Cet outil répond à ses quatre objectifs qui sont : détruire les couverts sans trop travailler la terre, éviter les de bourrages possibles avec un outil à dent, ne pas utiliser un déchaumeur à disque pour ne pas multiplier les vivaces et ne pas broyer. En accord avec la CUMA qui détient cet outil, ils ont fait équiper un semoir qui dépose les graines avant que la terre projetée ne retombe dessus.

Dyna drive servant au semis et à la destruction du couvert (35)

Figure 7: Dyna drive servant au semis et à la destruction du couvert (35)

Les règles de décision pour utiliser ces outils spéciaux sont agrégées dans le tableau suivant :

Règles de décision et ressentis des agriculteurs utilisant les outils précédents

Figure 8: Règles de décision et ressentis des agriculteurs utilisant les outils précédents

A vos claviers !