2 campagnes d’expérimentation sur les techniques d’implantation
Pour implanter un couvert, une multitude d’itinéraires techniques peuvent être imaginés avec un nombre d’interventions (et des charges) extrêmement variables. Tous ont pour objectif une émergence la plus rapide possible du couvert qui est bien souvent très dépendante de la disponibilité en eau. Pour mettre toutes les chances de son côté malgré l’incertitude des précipitations, des stratégies pour conserver l’eau au maximum peuvent être mises en place (implantation sous mulch, roulage, gestion des résidus). Ces choix de conduite peuvent avoir des effets sur le développement des couverts et les services rendus. Durant deux campagnes d’expérimentation, des techniques d’implantations ont été évaluées pour mieux en comprendre les conditions de réussite.
Contexte de l’essai
Lieu : Hombleux (80)
Précédent : blé
Reliquat post-récolte : 60 u en 2017 et 28 u en 2018
Type de sol : limon
Dates d’implantation : Récolte -15 j (D0), 1ère décade d’août (D1) et 2nde décade d’août (D2)
2017 : Radis et Radis-Phacélie-Vesce-Tournesol
2018 : Radis et Avoine-Phacélie-Vesce
Plusieurs itinéraires techniques ont pu être comparés durant les deux années de l’essai. Chacun d’entre eux se caractérise par ces façons culturales (type d’intervention et outil) mais aussi par la date de semis qu’il permet. En effet, des itinéraires techniques très simplifiés (en SD par exemple) permettent un semis au plus précoce qu’un itinéraire technique avec deux déchaumages. Dans cet essai trois périodes de semis se distinguent alors :
- semis dans le précédent (R-15 j) : semis à la volée
- 1ère date de semis (1ère décade d’août) : semis direct ou après un seul déchaumage
- 2ème date de semis (2nde décade d’août) : semis après deux déchaumages.
Effet du choix d’itinéraire technique sur la levée du couvert
Le choix de l’itinéraire impacte la levée. L’effet varie selon les espèces présentes dans le mélange :
Les taux de levée sont très hétérogènes selon l’espèce et l’itinéraire technique. Celui de la phacélie est généralement très faible et compensé par des préconisations de densité de semis très importantes (150 et 90 plantes/m² en 2017 et 2018). Il semble peu dépendant des choix d’itinéraires techniques.
Pour le radis, seule l’implantation en SD a permis une levée importante. Lorsqu’il est épandu dans le précédent, 35% des graines sont parvenues à lever sans précipitations significatives en 2018 contre environ 50 % avec un itinéraire classique et des précipitations qui suivent le semis.
La vesce semble favorisée par les situations où la disponibilité en eau dans le lit de semence est la plus importante. En 2017 et 2018, les meilleures levées de vesce sont observées dans les modalités les plus performantes en terme de conservation de l’eau (SD à disques ou à dents).
L’avoine rude a un taux de levée qui varie fortement d’une technique d’implantation à l’autre. La densité de repousses de blé est liée à la densité finale d’avoine rude (figure ci-contre). Comme pour la vesce, la technique la moins performante pour la levée du couvert consiste à réaliser un seul déchaumage avant le semis.
De manière générale, la levée des couverts est pénalisée dans ces essais par la pratique d’un seul déchaumage avant le semis. Il semble préférable, pour la levée du couvert, soit de ne pas travailler le sol du tout soit de réaliser deux déchaumages dont une reprise plus profonde lors du second passage (chisel).
Conservation de l’eau
Effet de la gestion des résidus
Avant le semis, la gestion des résidus apparaît comme un levier pour améliorer la conservation de l’eau immédiatement après la récolte. Dans l’essai conduit en 2018, la différence d’humidité observée 15 jours après la récolte induite par des hauteurs de chaumes différentes correspond à un écart de disponibilité en eau de 21 % (soit 2 mm sur les 5 premiers centimètres de sol). Des travaux conduits1 en milieu aride expliquent ce phénomène par la modification du microclimat au sol (vitesse du vent réduite de 70 %, ombrage, réduction de l’interception de l’eau par le mulch).
Cet effet semble limité dans le temps puisque 20 jours après la récolte, les humidités ne sont plus différentes entre les deux hauteurs de chaumes. La réalisation d’un déchaumage précoce (autour de l’essai) a eu pour effet d’assécher très fortement le lit de semences.
Ainsi dans un contexte de sécheresse, la stratégie la plus pertinente pour conserver l’eau consiste à conserver une hauteur importante de résidus et limiter le travail du sol.
Choix de la technique d’implantation
Le choix de la technique d’implantation affecte également la quantité d’eau disponible au moment de la levée du couvert.
Le semis au semoir de semis-direct à disques semble être la modalité qui, associée dans l’essai au maintien de chaumes hautes, conserve le mieux l’humidité du sol.
L’essai permet également d’observer l’intérêt du roulage derrière un semoir de semis-direct à dents. Dans le contexte de l’année 2018, le passage des rouleaux a eu pour effet d’affiner les mottes de terre produites par le passage du semoir en conditions sèches.
Par ailleurs, un autre essai conduit sur le choix de la technique d’implantation illustre l’intérêt du rappui après le semis pour la levée du couvert et la conservation de l’eau. Il indique que selon le modèle de semoir utilisé celui-ci exerce un rappui suffisant ne nécessitant pas de roulage supplémentaire.
Aussi laisser le sol déchaumé non roulé accélère son dessèchement. Ainsi lors des semis du 20/08 réalisés sur déchaumage, le lit de semence était beaucoup plus sec dans les modalités à semer que dans celles implantées 13 jours plus tôt. Néanmoins, la reprise du déchaumage au chisel pour rechercher de l’humidité plus en profondeur a été efficace pour augmenter l’humidité au contact de la graine par rapport à la situation déchaumée une seule fois.
Vitesse d’installation
On observe peu d’effet de la technique d’implantation du couvert sur la couverture maximale et la vitesse de couverture du sol. Seule la date d’implantation apparaît comme ayant un effet significatif.
Effet du choix d’itinéraire technique sur l’enherbement
En plus d’être déterminant pour la réussite du couvert, le choix de la technique d’implantation influence la levée de la végétation spontanée (repousses du/des précédent(s), adventices). Celle-ci peut concurrencer le développement du couvert mais aussi profiter de l’interculture pour effectuer un cycle biologique complet et augmenter le stock semencier de la parcelle. Parmi les adventices seul un nombre limité d’entre elles y parviendrait (chénopode, mercuriale).
Ce sont les implantations précoces et surtout sans travail du sol qui sont les plus propices, dans cet essai, aux levées d’adventices dans le couvert. Elles sont généralement sans incidence sur sa productivité et leur croissance est très nettement limitée par le couvert. Néanmoins, dans le cas d’une parcelle présentant un salissement historiquement important il serait préférable d’avoir recours à un travail du sol pour éviter de multiplier ces adventices.
En termes de repousses de céréales, les implantations après deux déchaumages, donc plus tardives, affichent des densités beaucoup plus faibles. Le travail du sol permet de gérer ainsi à la fois les levées d’adventices et de repousses de céréales (139 plantes/m² détruites lors du second déchaumage en 2018). La gestion la moins efficace concernant les repousses de céréales consiste à n’effectuer qu’un déchaumage et de semer aussitôt (239 plantes/m² en 2018).
Biomasse produite par le couvert
Les choix de conduite des couverts semblent avoir un effet important sur la biomasse produite. Cette dernière est généralement un bon indicateur des services écosystèmiques rendus par le couvert piégeage des nitrates ,stockage de matière organique, amélioration de la vie du sol ).
La technique du semis à la volée a permis une production du couvert proche de 3 tonnes de matière sèche soit 300% du témoin en 2018.
Lorsqu’elles sont réalisées précocement, les implantations sans travail du sol tendent à produire plus de biomasse.
La réalisation d’un déchaumage et d’un semis dans la foulée entraîne un développement important des repousses au détriment de la croissance du couvert. De manière générale, les implantations précoces sont favorables à la biomasse des adventices et des repousses. Cependant, l’implantation dans le précédent fait figure d’exception. Le couvert de radis semble avoir limité la croissance des repousses.
La réalisation d’un second déchaumage au chisel permet d’augmenter la production du couvert et limite le développement des repousses et des adventices.
🔍 Zoom sur … le semis à la volée dans le précédent
En bref,
- Semis de radis fourrager dans le blé précédent au 29/06 (R-15 j) au delimbe
- Levée au 31/07 dans le contexte d’une année sèche
- Couverture du sol : Volée > aux autres modalités
- ≈ 3 tonnes de matière sèche au 23/10
Cette technique fera l’objet d’un essai spécifique en 2019 pour étudier ses modalités de mise en œuvre (date de semis, espèces/mélanges/variétés implantables)
Ce qu’il faut retenir !
💧 La conservation de l’eau se joue dès la moisson avec la gestion des résidus (fauchés assez hauts) et en évitant de trop anticiper les déchaumages. Les techniques d’implantation limitant le travail du sol permettent de mieux conserver l’eau.
🌱 Les implantations en SD permettent des levées des couverts comparables aux itinéraires techniques avec un nombre de déchaumages important et supérieur aux semis après un unique déchaumage.
Les implantations sans travail du sol favorisent la présence d’adventices dans le couvert. Pour gérer des repousses de céréales, parfois très pénalisantes pour le couvert, deux possibilités :
i ) semer très précocement sans travail du sol
ii) avoir recours à au moins deux déchaumages
🌿 Comme sur la levée, les implantations précoces sans travail du sol sont favorables à la croissance du couvert avec des biomasses supérieures à la conduite témoin (déchaumage et semis). Décaler la date de semis pour réaliser un déchaumage supplémentaire permet de limiter le développement des repousses dans le couvert
A vos claviers !
Swella G.B., Ward P.R., Siddique K.H.M., Flower K.C. (2015) Combinations of tall standing and horizontal residue affect soil water dynamics in rainfed conservation agriculture systems. Soil and Tillage Research 147. p 30-38.↩