FICHE SERVICE : COUVERTS ET EAU - Drainage et disponibilité

La conduite d’un couvert d’interculture induit une consommation d’eau comprise entre 10 et 20 mm par tonne de matière sèche. Ce déficit hydrique est réparti entre une réduction de la quantité d’eau drainée et une baisse de la disponibilité en eau pour la culture suivante selon la date de semis. Ainsi les auteurs concluent sur une limitation de drainage à hauteur de 30 mm. Les couverts peuvent par ailleurs participer à des processus améliorant la disponibilité en eau. En couvrant le sol, ils permettent de réduire drastiquement l’évaporation du sol. De plus, les couverts améliorent certaines propriétés du sol jouant un rôle dans le cycle de l’eau (vitesse d’infiltration, capacité de rétention).

CYCLE DE L’EAU EN INTERCULTURE

L’interculture, quelle qu’elle soit, est généralement une période où le sol se réhumecte en surface et en profondeur. En effet, la culture précédente a consommé une grande partie de la réserve utile et l’absence de végétation, au moins dans un premier temps, permet de reconstituer une partie de la réserve en eau du sol par l’apport des précipitations qui peut varier selon l’année et la période de l’année. Toutefois, l’eau apportée par les précipitations ne sera pas exclusivement allouée à la reconstitution des réserves en eau du sol. Une partie est immédiatement perdue par évaporation et la consommation de l’eau par la végétation en place (couvert, repousses ou adventices). Aussi, une fois l’humidité du sol revenue à “la capacité au champ”, c’est-à-dire à réserve utile pleine, ou si les précipitations sont trop intenses, l’eau excédentaire quittera la parcelle soit par drainage (en profondeur)soit par ruissellement.

CONSOMMATION D’EAU PAR LE COUVERT

Comme toute plante, les couverts consomment de l’eau pour se développer. Les données issues de Meyer et al. 2020 permettent d’estimer la consommation d’eau par le couvert en alliant données expérimentales et simulations. Ainsi la consommation d’eau par le couvert est comprise entre 25 et 30 mm par tonne de MS.

Choix des espèces

Nielsen et al. 2015 ont évalué les besoins totaux (évaporation et transpiration) et l’efficience d’utilisation de l’eau (quantité d’eau consommée par kilo de matière sèche produite). Ils ont mis en évidence des différences de besoins en eau selon l’espèce de couvert.

Dans les Hauts-de-France …

Humidité moyenne du profil pour un couvert de moutarde semé le 01/08 et pour le sol nu (Simulations STICS pour un limon sableux - 1999 à 2015)

(#fig:humidite du sol simulation moutarde)Humidité moyenne du profil pour un couvert de moutarde semé le 01/08 et pour le sol nu (Simulations STICS pour un limon sableux - 1999 à 2015)

Dans les simulations réalisées avec STICS dans le contexte des Hauts de France, le couvert de Moutarde Blanche conduite de manière classique provoque, par sa consommation d’eau, un retard de remplissage des réserves en eau du sol. Dans ce cas, le couvert n’a toutefois pas d’impact sur le niveau de remplissage au semis de la culture suivante.

Bien que les plantes consomment de l’eau pour se développer, la couverture du sol réduit fortement le phénomène d’évaporation atténuant ainsi l’effet de la présence du couvert.

REDUCTION DE L’EVAPORATION DU SOL

Le sol, même laissé sans végétation perd une partie de l’eau qu’il contient par évaporation.

Evolution de l'humidité du sol en sol nu - Essai d'Attichy 2017

(#fig:evaporation en sol nu )Evolution de l’humidité du sol en sol nu - Essai d’Attichy 2017

Ainsi après la récolte, en sol nu et en l’absence de précipitations (année 2017), le sol continue de d’assécher. La présence d’un couvert limite l’évaporation.

Evaporation de l'eau du sol selon la couverture du sol : sol nu vs Trèfle incarnat détruit au 15/04 (Simulations réalisées avec STICS sur un limon sableux 1999-2015))

(#fig:evop TI)Evaporation de l’eau du sol selon la couverture du sol : sol nu vs Trèfle incarnat détruit au 15/04 (Simulations réalisées avec STICS sur un limon sableux 1999-2015))

Cet effet sur l’évaporation du sol tend ainsi à diminuer la consommation du couvert en comparaison au sol nu. Ainsi les données de Meyer et al. 2020 suggèrent que le couvert génère un déficit hydrique (Transpiration par la plante - réduction de l’évaporation) compris entre 10 et 20 mm par tonne de matière sèche. En 2012, Beaudoin et al. proposaient des valeurs comprises entre 10 et 30 mm.

Cette consommation d’eau engendrée par le couvert est répartie entre une réduction du drainage et du niveau de remplissage de la réserve du sol suivant la date de destruction.

EFFET SUR LE STOCK D’EAU AU SEMIS DE LA CULTURE SUIVANTE

Dans les conditions classiques de conduite des couverts, on observe peu d’effet sur le niveau de remplissage de la réserve utile du sol. En effet, en moyenne les précipitations hivernales sont toujours suffisantes pour reconstituer la réserve utile du sol d’ici le semis de la culture suivante.

Remplissage de la RU du sol pour un couvert de moutarde semé le 01/08 et pour le sol nu (Simulations STICS pour un limon sableux - 1995 à 2015)

Figure 1: Remplissage de la RU du sol pour un couvert de moutarde semé le 01/08 et pour le sol nu (Simulations STICS pour un limon sableux - 1995 à 2015)

Pour les auteurs ( Meyer et al. 2020), des destructions tardives peuvent influencer le niveau de remplissage du sol au semis de la culture suivante. Ce dernier dépend du delta d’humidité à la destruction et les pluies efficaces (P-ETP) d’ici le semis de la culture suivante. Ils constatent un défaut de remplissage 17 années sur 20 pour des destructions d’avril dans le contexte du Sud-Ouest de la France (Toulouse).

Qu’en est-il en région Hauts de France ?

Encore une fois, les données de simulations peuvent nous donner la tendance de l’effet d’une destruction tardive du couvert sur plusieurs années. Deux couverts de légumineuses (vesce et trèfle incarnat) sont maintenus jusqu’au printemps.

Remplissage de la RU du sol pour plusieurs couverts détruits au 15/04 et pour le sol nu (Simulations STICS pour un limon sableux - 1995 à 2015)

(#fig:reserve du sol simulation VE et TI)Remplissage de la RU du sol pour plusieurs couverts détruits au 15/04 et pour le sol nu (Simulations STICS pour un limon sableux - 1995 à 2015)

Dans cette expérimentation virtuelle, la vesce et le trèfle incarnat ont tous deux maintenus jusqu’au 15/04. Pourtant leur impact sur le remplissage de la réserve utile est très différent. En effet le trèfle incarnat consomme une grande part significative de l’eau du sol tandis que la vesce aurait permis de mieux conserver l’eau au printemps. Pour le trèfle incarnat, les simulations indiquent une reprise importante de la production de biomasse au printemps (+1 tonne en moyenne au cours du mois de mars) à la différence de la vesce qui dans les simulations n’a pas poussé durant l’hiver. Ainsi le redémarrage de la plante au printemps provoque une hausse de la consommation d’eau par le couvert et donc augmente le risque d’entamer le stock d’eau disponible pour la culture suivante si aucune précipitation ne viennent compenser le déficit.

Accumulation de biomasse (Simulations STICS pour un limon sableux - 1995 à 2015)

(#fig:biomasse simulation VE et TI)Accumulation de biomasse (Simulations STICS pour un limon sableux - 1995 à 2015)

Pour aller plus loin : cas des mélanges-relai riches en légumineuses

Au cours du projet Multifonctionnalité des couverts d’interculture, des essais ont été conduits pour évaluer l’effet de la destruction tardive de couverts riches en légumineuses sur la disponibilité en azote. Des profils hydriques ont pu être réalisés en sortie d’hiver pour mesurer l’impact de la technique sur la disponibilité en eau du sol.

Dans ces essais, les couverts ont été détruits entre le 20 mars et le 05 avril selon les années. Aucune différence d’humidité n’a été observée entre les dates de destruction quelle que soit le mélange malgré des gains de biomasse du couvert significatifs au cours de l’hiver et du printemps.

Si la croissance du couvert ne limite pas la disponibilité en eau pour la culture suivante dans la majeure partie des situations, la consommation d’eau par celui-ci est donc “prélevée” sur les volumes d’eau drainés.

REDUCTION DU DRAINAGE

Meyer et al. 2020 ont estimé en région Occitanie une réduction de 20 à 60 mm du drainage hivernal sous l’effet des couverts.

Plus généralement, Meyer et al. 2019 concluent, suite à la comparaison de plusieurs études en climat tempéré, à une réduction du drainage entre 20 et 35 mm (IC 95%). Par ailleurs, bien que non significatifs, ils observent en tendance des effets du contexte (réduction du drainage plus important avec des textures de sol sableuses ou argileuses) et des précipitations importantes.

LIMITATION DU RUISSELLEMENT ET INFILTRATION DE L’EAU

Les couverts n’agissent pas seulement sur le bilan hydrique de la parcelle par leur consommation d’eau mais aussi par la modification des propriétés du sol. Ainsi d’après Yu et al. 2016 , les couverts permettent d’améliorer l’infiltration de l’eau et le rechargement en eau du sol. De plus ils limitent ainsi les pertes d’eau de la parcelle par ruissellement. Des résultats similaires ont été observés dans les essais conduits en région sur l’impact des couverts sur la structure du sol (Résultats complets ici:

Vitesse d'infiltration à l'eau (Source : Essai cultures intermédiaires et structure du sol conduits à Attichy (60) en 2017 et 2018)

Figure 2: Vitesse d’infiltration à l’eau (Source : Essai cultures intermédiaires et structure du sol conduits à Attichy (60) en 2017 et 2018)

Par ailleurs les auteurs ( Yu et al. 2016 ) observent une influence de la morphologie racinaire des plantes sur la vitesse d’infiltration de l’eau. D’après eux, des couverts avec des pivots épais et une densité racinaire importante sont plus efficaces pour améliorer la vitesse d’infiltration de l’eau dans le sol.

A vos claviers !