FICHE SERVICE : LES COUVERTS POUR LUTTER CONTRE LA BATTANCE ET L'EROSION

L’érosion hydrique des sols est un enjeu majeur, tant pour la préservation des sols agricoles que la protection des biens et des personnes pouvant se trouver sinistrées par des coulées de boues issues des sols cultivés. En région Hauts de France, l’érosion hydrique a lieu principalement durant l’hiver sous l’effet de précipitations importantes et au printemps au moment où les cultures de printemps ne couvrent pas encore le sol.

GENERALITES SUR L’EROSION

Les différents types

Il existe trois types d’érosions :

  • L’érosion éolienne : le vent détache et emporte les particules de sol ;
  • L’érosion mécanique : dans les parcelles en pente, la terre remuée par les outils de travail du sol a tendance à descendre vers le bas de la pente ;
  • L’érosion hydrique : l’eau détache et emporte les particules de sol. C’est principalement sur ce type d’érosion que l’effet des couverts d’interculture est documenté. De plus dans le contexte des Hauts de France, il s’agit du type d’érosion qui génère les pertes de terre les plus importantes.

Mécanismes de l’érosion hydrique

L’érosion hydrique se forme après plusieurs étapes de dégradations de la surface du sol.

Schéma des différentes étapes menant à la formation d'une croute de battance source : [Mabit et al, 2002](https://www.researchgate.net/publication/257943576_L%27erosion_hydrique_Methodes_et_etudes_de_cas_dans_le_Nord_de_la_France)

Figure 1: Schéma des différentes étapes menant à la formation d’une croute de battance source : Mabit et al, 2002

Lorsque les gouttes d’eau tombent directement sur le sol, l’énergie qu’elles ont emmagasinées lors de leur chute casse les agrégats formés par les différentes particules du sol : ce phénomène est appelé « effet splash ». L’intensité ou la répétition de ce phénomène peut amener à la formation d’une croute de battance à la surface du sol (Figure 1). Dans ce cas, l’eau s’infiltre difficilement dans le sol et une nappe d’eau se forme à la surface du sol (Mabit et al. 2002) .

Schéma des mécanismes menant à l'érosion hydrique - source : [Lorin et al, 2018](https://planet-terre.ens-lyon.fr/article/erosion-sols.xml#meca)

Figure 2: Schéma des mécanismes menant à l’érosion hydrique - source : Lorin et al, 2018

Des particules de sol peuvent se mettre alors en suspension dans cette nappe d’eau qui ruisselle en surface dans le sens de la pente et emporte ces particules (Figure 2) vers des zones de sédimentation. Le phénomène peut dans certain cas s’accélérer car les particules de sol arrachées jouaient souvent le rôle d’obstacle à l’écoulement de l’eau. L’eau ruisselle de plus en plus vite le long de la pente et peut arracher de nouvelles particules ( Lorin et al. 2018 ).

Les facteurs influençant l’érosion

L’érosion hydrique peut être influencée par 4 facteurs ( Chambre d’agriculture de région du Nord-Pas de Calais ) :

  • L’intensité de la pluie : plus l’épisode pluvieux est intense, plus les particules vont être arrachées et plus l’eau va les transporter loin ;
  • La nature du sol : plus le sol est limoneux, plus il est sensible à l’érosion. Le taux de matière organique est également important : plus il est bas, plus le sol sera sensible à la battance et à l’érosion. La structure du sol joue également un rôle important : si la structure est mauvaise, l’eau s’infiltrera moins vite (Figure …) et le ruissellement sera plus important.
  • Le relief joue un rôle prépondérant : plus l’inclinaison de la pente est élevée, plus il y a formation de ruissellement. La longueur de la pente est également un facteur aggravant car plus la pente est longue, plus l’eau pourra prendre de la vitesse et arracher des particules.
  • La couverture du sol : la présence de débris végétaux ou de plantes vivantes permet de réduire la vitesse des gouttes d’eau lorsqu’elles atteignent le sol. « L’effet splash » est alors fortement réduit. Les racines des plantes vivantes permettent également de limiter l’arrachement des particules et de favoriser l’infiltration de l’eau.

L’érosion hydrique en région Hauts de France

Les sols de la région sont particulièrement sensibles à la battance et à l’érosion du fait de leur texture très limoneuse. Plus d’un tiers des surfaces cultivées dans la région est concernée par des pertes annuelles en terre allant de 2 à 20 tonnes/ha/an (Figure 3). A titre indicatif, le taux moyen de formation d’un sol est d’environ 1 tonne/ha/an (Bourgeois, s.d.) . Les épisodes érosifs ont principalement lieu en automne et en hiver lorsque que les sols sont peu couverts (cultures d’hiver peu développées et sol nu avant culture de printemps) et les précipitations élevées.

Surfaces concernées par les pertes en terre par érosion hydrique des sols - source : L'environnement en France

Figure 3: Surfaces concernées par les pertes en terre par érosion hydrique des sols - source : L’environnement en France

EFFICACITE DES CULTURES INTERMEDIAIRES POUR REDUIRE L’EROSION HYDRIQUE

Effet à court terme : pendant l’interculture

Les couverts d’interculture constituent un levier efficace de réduction de l’érosion lorsque celle-ci intervient alors qu’ils sont encore en place (Figure 4) :

Pertes de terre par ha cumulées entre le 17/11 et 28/01 (198mm de pluie) à Fresquiennes (76) - Source : Données [CA76 - AREAS, 2008](http://www.areas-asso.fr/images/resultats%20essais%20simul/brochure_10ans_essais_PC_ruissellement.pdf){target='_blank'}

Figure 4: Pertes de terre par ha cumulées entre le 17/11 et 28/01 (198mm de pluie) à Fresquiennes (76) - Source : Données CA76 - AREAS, 2008

A court terme, l’efficacité des couverts sur l’érosion est due à une action à plusieurs niveaux :

  • Les couverts d’interculture permettent de réduire la vitesse des gouttes d’eau lorsqu’elles atteignent le sol. « L’effet splash » est alors fortement réduit. L’érosion est réduite de manière significative dès que 30% de la surface est couverte par de la végétation. L’efficacité maximale est atteinte dès 70 % de couverture du sol ( Bertuzzi et al, 2012 ). Plus le couvert couvre vite le sol, plus la réduction de l’érosion sera importante. Ainsi les choix techniques tels que l’itinéraire technique ou les espèces présentes jouent un rôle primordial dans l’efficacité du couvert.
  • Les racines des couverts jouent également un rôle déterminant. Tout d’abord, elles agrègent les particules de sol sous la forme de plus gros agrégats plus résistants aux impacts de pluies ( Rorick et al, 2017 ).
  • Ensuite les racines des couverts retiennent les particules de sol et augmentent sa résistance à l’arrachement. D’après De Baets et al. (2011), les cultures intermédiaires avec un système racinaire fasciculé, composé de racines fines, nombreuses et très ramifiées, comme les graminées sont plus efficaces que les espèces avec des racines épaisses comme les brassicacées (moutardes, radis).
  • Les tiges du couvert créent des obstacles à l’écoulement horizontal de l’eau et contribuent donc à limiter la vitesse de circulation de l’eau. L’énergie accumulée par la lame d’eau est alors limitée.
  • Enfin, les couverts limitent le ruissellement de l’eau à la fois par l’augmentation de la vitesse d’infiltration de l’eau en comparaison à un sol nu (Figure 5) mais aussi par la réduction de la vitesse d’écoulement de l’eau qui lui laisse plus de temps pour s’infiltrer.
Test d'infiltrabilité pour des pluies de 33mm/h en sol limoneux [ (Ouvry et al, 2012) ](http://www.areas-asso.fr/images/resultats%20essais%20simul/brochure_10ans_essais_PC_ruissellement.pdf){target='_blank'}

Figure 5: Test d’infiltrabilité pour des pluies de 33mm/h en sol limoneux (Ouvry et al, 2012)

Effet à moyen terme : après la destruction du couvert

Les phénomènes érosifs peuvent intervenir en fin d’hiver et au printemps lorsque les couverts sont détruits ou alors que les cultures de printemps ne couvrent pas encore totalement le sol. D’après De Baets et al. (2011), l’efficacité des couverts pour réduire l’arrachement des particules de sol décroit après leur destruction par le gel.

Néanmoins les couverts contribuent à améliorer l’infiltration de l’eau dans le sol et cette caractéristique peut perdurer après la destruction du couvert (Figure 6).

Vitesse d'infiltration de l'eau à saturation au travers de l'horizon H6

Figure 6: Vitesse d’infiltration de l’eau à saturation au travers de l’horizon H6

En situation de non labour, les résidus de couverts présents sur le sol permettent de protéger les agrégats du sol par interception des gouttes d’eau dans la culture suivante (Armand, 2009) . Les couverts permettent aussi de préserver les agrégats de la battance dans la culture suivante. Ainsi la taille des agrégats est augmentée dans les tests de stabilité structurale conduits après la destruction du couvert chez Hermawan et al, (1997) . Quelque soit le mode de travail du sol, la destruction du couvert s’accompagne d’une restitution importante de matière organique au sol et donc d’une prolifération des organismes impliqués dans sa dégradation (voir FICHE SERVICE : effet des couverts sur la vie du sol] Ces micro-organismes produisent alors des composés organiques (glomaline, polysaccharides …) qui jouent un rôle dans la résistance du sol à la destructuration par l’eau ou les pratiques agricoles. Cet effet des couverts lié à la décomposition rapide des couverts est décrit comme transitoire par les auteurs Abiven et al. 2009. et ne dure que quelques semaines après la destruction du couvert. En effet, les couverts se décomposent très rapidement du fait de leur teneur élevée en carbone soluble ( Justeset al. 2009 ).

Evolution de la stabilité structurale suite à l'incorporation de différentes matières organiques ([Le Guillou 2005](http://www.theses.fr/2011NSARD061) adapte de Monnier 1965)

Figure 7: Evolution de la stabilité structurale suite à l’incorporation de différentes matières organiques (Le Guillou 2005 adapte de Monnier 1965)

Une destruction tardive du couvert pourrait permettre de synchroniser le maximum de stabilité structurale aux périodes où les sols sont les plus vulnérables (installation des cultures de printemps),

Comparaison de la croute de battance dans un maïs implanté derrière des couverts au 26/06 à Verneuil sur Serre (02) - destruction précoce du couvert à gauche (décembre), destruction tardive du couvert à droite (début avril)

Figure 8: Comparaison de la croute de battance dans un maïs implanté derrière des couverts au 26/06 à Verneuil sur Serre (02) - destruction précoce du couvert à gauche (décembre), destruction tardive du couvert à droite (début avril)

Le couvert détruit tardivement a produit plus de biomasse (environ 3 tonnes de MS/ha) que le couvert détruit précocement (environ 1 tonne de MS/ha). La quantité de résidus en surface est donc plus importante pour la destruction tardive et a limité la formation d’une croute de battance.

A long terme

Sur le long terme, l’implantation de couverts d’interculture peut permettre d’augmenter le taux de matière organique du sol (lien vers fiche c orga). Or, un sol plus riche en matière organique est plus résistant à la battance et à l’arrachement grâce à une meilleure stabilité structurale (Armand, 2009) .

Synthèse de l’effet de différents couverts sur la perte de terre et la taille des agrégats pendant et après la période d’interculture

Comparaison de la croute de battance dans un maïs implanté derrière des couverts au 26/06 à Verneuil sur Serre (02) - destruction précoce du couvert à gauche (décembre), destruction tardive du couvert à droite (début avril)

Figure 9: Comparaison de la croute de battance dans un maïs implanté derrière des couverts au 26/06 à Verneuil sur Serre (02) - destruction précoce du couvert à gauche (décembre), destruction tardive du couvert à droite (début avril)

Peu d’essais ont été réalisés pour comparer l’effet de différents couverts sur la réduction des phénomènes de battances et d’érosions. Néanmoins, la synthèse permet de mettre en évidence une meilleure efficacité des graminées. De Baets et al (2011) expliquent cette différence par le fait qu’ils possèdent un système racinaire fasciculé.

A vos claviers !

TRAVAUX CITES

Antoni, V. 2014 Chapitre “Les sols” dans “L’environnement en France”.
Armand, R., 2000. Étude des états de surface du sol et de leur dynamique pour différentes pratiques de travail du sol. Mise au point d’un indicateur de ruissellement. Thèse de doctorat, Université de Strasbourg.
Bertuzzi P., Justes E., Lebas C., Mary B., et Souchere V., 2012. Effets des cultures intermédiaires sur l’érosion, les propriétés physiques du sol et le bilan carbone. Dans Réduire les fuites de nitrate au moyen de cultures intermédiaires, Conséquences sur les bilans d’eau et d’azote, autres services écosystémiques
Bordage, D. 2005 Conduite de l’interculture Limiter la formation du ruissellement en sol limoneux. AREAS, . non dispo sur internet
Bourgeois M., Coquillart E., Cournarie M., Fassino C. 2020. Montpellier Supagro - La dégradation des sols.
Chambre d’Agriculture de région du Nord-Pas de Calais. 2013. Guide de l’érosion.
Chambre d’Agriculture Nord-Pas de Calais. 2020. Erosion des sols. s.d. https://nord-pas-de-calais.chambre-agriculture.fr/lutte-erosion/
De Baets S., Poesena J, Meersmans J., Serlet L., 2011. Cover crops and their erosion-reducing effects during concentrated flow erosion. Catena 85 : 237-244.
Hermawan B., Bomke A., 1997. Effects of winter cover crops and successive spring tillage on soil aggregation. Soil and Tillage Research: 109-120.
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Ouvry J., Coufourier N., Richet J.-B., Lhériteau M., Pivain Y., Martin P., Lecomte V., Barrier C., Witkowski D., Saint-Omer L., Corruble C., Luce M., 2012. Synthèse des résultats de ruissellement et d’érosion - Maîtrise du ruissellement et de l’érosion des sols. Saint Valéry en Caux: AREAS.
Rorick J., et Kladivko E., 201.7Cereal rye cover crop effects on soil carbon and physical properties in southeastern Indiana. JOURNAL OF SOIL AND WATER CONSERVATION : 260-265.