EXPERIMENTER LE SEMIS A LA VOLEE DANS LA CULTURE PRECEDENTE
Le semis des couverts avant la récolte est une pratique particulièrement efficace pour réduire les charges de mécanisation et le temps de travail ( Voir Fiche pratique innovante : semer le couvert dans le précédent à la volée ). Bien qu’elle donne souvent entière satisfaction aux agriculteurs qui y ont recours, pour ces derniers les règles d’utilisation et les recommandations qu’ils formulent peuvent diverger : par exemple sur le choix des espèces adaptées ou sur la date de semis.
Aussi pour identifier les facteurs clés de succès de ce type d’implantation et proposer des recommandations de conduite adaptées au pédoclimat des Hauts de France, un réseau d’essais a été déployé en 2019 et 2020 à partir d’une première tentative conduite en 2018.
UN RESEAU D’ESSAI MIS EN PLACE
Les screening de couverts correspondent au test de plusieurs espèces ou mélanges d’espèces. Pour des questions de ressources disponibles, toutes les espèces testées n’ont pas été implantées dans chaque essai :
Les essais ont été semés avec des semoirs centrifuges, épandeurs à engrais ou anti-limaces. La précision n’était donc pas optimale et a entrainé quelques écarts entre la dose de semis prévue et la dose de semis réellement épandue.
Les semis ont eu lieu entre 28 et 2 jours avant la récolte du blé. A Hombleux et Berneuil-en-Bray, deux dates de semis ont été comparées pour toutes les espèces.
Par ailleurs à Hombleux, des chaumes ont été laissés hauts sur une partie de l’essai. Cette technique avait montré son intérêt pour la conservation de l’eau dans l’essai de comparaison de techniques d’implantation. Les chaumes hauts mesurent une cinquantaine de centimètres tandis que les chaumes bas mesurent moins de vingt centimètres.
Par ailleurs, le réseau d’essais était aussi l’occasion de tester la faisabilité technique et notamment la répartition des semences. Ainsi, il a été réalisé un essai de pelletisation de graine. Cette technique consiste à coller sur de grosses graines de couvert qui peuvent s’épandre sur de grandes largeurs (vesce, pois, orge) de petites graines (phacélie, trèfles …) afin que ces dernières puissent être semées avec un épandeur centrifuge.
Excepté à Estrées-Mons, chaque essai comporte un témoin qui correspond aux pratiques de l’agriculteur implanté à côté des modalités semées à la volée pour évaluer l’intérêt de la pratique :
CONTEXTE CLIMATIQUE
Pour les deux sites de l’Oise (proches de Beauvais), Les précipitations ont été proches de la normale pour les mois de juillet et août (léger déficit en juillet). La levée des couverts n’a donc pas souffert du manque d’eau. En revanche, les couverts ont été ralentis par le manque de précipitations au mois de septembre.
Sur les sites de la Somme, les précipitations à Hombleux ont été très déficitaires sur les mois de juillet (-50mm), août et septembre. Les précipitations excédentaires du mois d’octobre ont permis aux couverts de l’essai de sortir de leur état de stress hydrique.
A Saint André, les mois de juillet août et surtout septembre ont été extrêmement secs (déficit de 100 mm). Combiné à de très fortes températures (40°C), la sécheresse a entrainé la disparition de 3 des 4 espèces du mélange au mois d’août, les plantes se desséchant lors de la levée. Seul le radis a résisté à ces conditions difficiles et a pu profiter des précipitations excédentaires en octobre et novembre pour se développer avant sa récolte tardive (2 décembre).
RESULTATS
Les couverts semés à la volée sont-ils plus productifs que les couverts semés en post-moissons ?
Pour chaque site, la biomasse moyenne produite par chaque modalité a été comparée à un témoin “agriculteur” qui n’est autre que le couverts semé par l’agriculteur sur le reste de la parcelle (Tableau 4). La biomasse produite par les modalités est exprimée en pourcentage de son témoin (indice de rendement) :
\[ {Indice\: de \:rendement\: d \:une \:modalite} = {{Biomasse \: d'une \:modalité} \over {Biomasse\: du \:couvert\: de\: agriculteur}} * {100} \]
Sur les 46 modalités implantées avant la moisson, les trois quarts produisent plus de 108% de biomasse sèche que leur témoin. La moyenne des indices de rendement est de 149%. 6 modalités produisent plus de 300% de leur témoin agriculteur. 5 modalités produisent moins que leur témoin.
Le semis à la volée dans le précédent a donc permis de produire plus de biomasse qu’une implantation après moisson dans la plupart des situations.
Choix techniques influençant la réussite des couverts semés en post moisson
Choisir l’espèce adaptée
Parmi les facteurs étudiés au sein de ce réseau d’essais,le choix de l’espèce a implanter apparaît prédominant. Bien qu’aucune des 9 espèces implantées en couverts n’a été un échec, certaines espèces se sont montrées particulièrement adaptées à la technique tant sur leur capacité à lever qu’à croître et produire de la biomasse.
Seigle de printemps
Malgré des taux de levée supérieur aux autres espèces non légumineuses comme le radis ou la phacélie, le seigle n’a pas produit un niveau élevé de biomasse. Les conditions climatiques ont limité son tallage et donc sa production de biomasse sur les deux sites.
Sorgho fourrager
Le sorgho fourrager s’est montré décevant à Berneuil, que ce soit au niveau de la productivité ou des taux de levées.
Orge de printemps
Dans un contexte de pailles exportées, l’orge de printemps a produit moins de biomasse que les autres couverts. La dose de semis trop faible (26kg/ha) a pu impacter sa productivité.
Moha fourrager
Le moha présente des taux de levée faible mais une production de biomasse intéressante. Néanmoins, le fait que la densité réellement semée soit très élevée (+44% et +85% de la dose prévue) (Tableau 2). Il a pu compenser les faibles taux de levée. Il conviendra de retester cette espèce dans le futur en étant vigilant sur la dose de semis.
Radis fourrager
Le réseau d’essais met en évidence une bonne adaptation à la technique avec des taux de levée et des biomasses correctes. Il faut toutefois être vigilant quant au choix de la variété. En effet, à Hombleux, trois variétés de radis ont été implantées. Les deux variétés les plus précoces (Geron et Splendid) ont commencé à fleurir au 20/09 et était très lignifiées lors des prélèvements de biomasse le 20/10. Il convient donc de choisir des variétés de radis les plus tardives possible pour éviter une trop forte augmentation du ratio C/N.
Phacélie
Ses taux de levée sont légèrement supérieurs à ceux des radis ou la vesce velue à Hombleux. Elle présente également des niveaux de productivité satisfaisants à Hombleux où à Daméraucourt où les pailles ont été exportées.
Vesce velue
La vesce velue présente des taux de levée moins élevés que la vesce commune mais est très productive (2,74 T de MS/ha).
Vesce commune
La vesce commune présente des taux de levée élevés et est productive. Elle s’est très bien comportée dans les mélanges avec des productions de biomasse élevée. Sa productivité à Hombleux en espèce pure est d’autant plus satisfaisante que sa dose réelle de semis est inférieure à la dose prévue (-40%).
Autres espèces
La moutarde d’Abyssinie et le trèfle d’Alexandrie pourront faire l’objet de nouvel essai mais cette fois en espèce pure afin de confirmer leurs résultats (productivité encourageante pour la moutarde mais pas pour le trèfle).
Ne pas trop anticiper le semis
Pour les deux essais (Berneuil et Hombleux), les taux de levée des couverts sont meilleurs pour les dates de semis au plus près de la récolte . A Berneuil, le taux de levée est même deux fois plus élevé pour la deuxième date de semis. Aussi, pour ces deux essais et quelque soit la date de semis, aucun couvert n’avait germé dans le blé avant la moisson.
L’hypothèse selon laquelle les semis précoces seraient moins efficaces car les plantules sont endommagées lors de la moisson n’est donc pas celle à retenir pour expliquer ces résultats. L’autre hypothèse qui peut être formulée pour expliquer cette différence est la consommation des semences par les invertébrés du sol comme les carabes ( Boursault et al. , 2012 ) ou les rongeurs comme les mulots ( Westerman et al. 2002 ). En effet, les semences épandues et posées sur le sol dans le blé lors de la première date de semis ont été plus longtemps exposées à ces prédateurs que celles épandues lors de la deuxième date de semis plus proche de la moisson.
Pour les deux sites, le nombre de jours entre le semis et la récolte n’a pas eu d’effet significatif sur la production de biomasse. Les doses de semis réellement épandues (Tableau 2) parfois nettement supérieures à la densité visée ont rendu le peuplement non limitant pour la production de biomasse. Ainsi, les différences de taux de levée ne se sont pas répercutées sur la productivité finale.
Laisser des chaumes bas pour restituer un maximum de résidus
Pour toutes les espèces hormis la vesce commune, les chaumes laissés bas favorisent la levée des couverts à Hombleux. La phacélie présente la différence la plus importante entre les chaumes hauts et les chaumes bas.
La hauteur des chaumes a impacté la production biomasse de manière assez diverse selon les espèces. En moyenne générale sur l’essai et pour les deux vesces, les chaumes bas permettent une production significativement plus importante.
Restituer au maximum les pailles
L’exportation des pailles a réduit de manière significative (27% de différence) les taux de levée des radis sur l’essai de Saint-André :
Cette différence de peuplement n’a pas eu d’effet sur la productivité car les conditions très sèches ont fortement limité la productivité des couverts (seulement 1.4 T de MS/ha pour la modalité “pailles restituées”). La restitution des pailles est donc à privilégier pour favoriser la levée des couverts. Cependant la technique fonctionne tout de même en cas d’export des pailles puisque dans les deux situations où les pailles ont été exportées (Saint André et Daméraucourt), les couverts se sont tout de même développés.
Effet d’un désherbage de printemps de la céréale avec un inhibiteur de l’ALS
Le désherbage de printemps n’a pas eu d’effet sur la levée et la productivité du couvert à Saint André. Le couvert semé à la volée ayant reçu le désherbage a produit 300% de biomasse en plus que le témoin agriculteur. De plus, à Ercheu, toute la parcelle avait reçu un désherbage de printemps avec la même matière active qu’à Saint-André au 22/03 et les couverts composés de radis et de vesces ont produit des biomasses proches de 3 T de MS/ha (3 fois plus que le témoin agriculteur).
🔍Zoom sur les largeurs d’épandage
La largeur d’épandage avec les épandeurs centrifuge est déterminée par la forme et la densité des graines ( voir fiche pellet ). Le réseau d’essai a permis de déterminer la largeur d’épandage des différentes espèces et des pellets :
La vesce velue, la vesce commune voire le seigle peuvent donc être semés au-delà de 24m de large sans avoir à les coller ou à utiliser du matériel spécifique.
CE QU’IL FAUT RETENIR
- Le semis à la volée dans le précédent a permis de produire plus de biomasse que les témoins semés après moisson
- Une date de semis plus proche de la moisson a permis d’obtenir de meilleurs taux de levée ;
- Les chaumes bas (15-20 cm) ont entrainé une meilleure productivité et de meilleurs taux de levée que les chaumes hauts (50cm) ;
- L’exportation des pailles a impacté fortement les taux de levés. La technique a cependant permis de produire des couverts satisfaisants malgré tout ;
- Les désherbages de printemps à base de sulfonylurées n’ont ni impacté les taux de levée des couverts ni leur productivité
Malgré un contexte très sec de l’été 2019 la technique s’est montrée capable de produire de meilleurs couverts que les couverts semés après la moisson. Le semis des couverts à la volée avant la moisson pourrait être encore plus efficace lors d’un été plus arrosé.